Le bonheur
Un jour d'hiver, la petite Charlotte était sortie avec sa mère. Au moment où elles traversaient le quartier le plus riche de la ville, elles virent un magnifique carrosse arrêté à la porte d'une grande maison : des dames très élégantes, parées de plumes et de bijoux, sortirent de la maison et montèrent dans le carrosse pour aller se promener.
Charlotte marchait à côté de sa mère, le cœur gros, sans rien dire. Alors sa mère lui dit : " Je voudrais bien savoir ce qui te rend si triste. "
- Mère, répondit l'enfant, regardez cette voiture qui reluit comme un soleil.
Qu'il doit faire bon dedans, et que ces dames sont heureuses de ne pas sortir à pied, comme nous, quand il fait si grand froid !
- Ma mignonne, reprit sa mère, tourne la tête et regarde, debout à la portière de la voiture, une pauvre fille en guenilles, qui tend la main pour avoir un petit sou. Vois ses joues pâles, ses mains amaigries; c'est à peine si ses haillons suffisent à la couvrir. Et maintenant écoute-la:
« Mes bonnes dames, murmuret-elle, je n'ai pas mangé de la journée. Il y a longtemps que je n'ai plus ni père ni mère. Pour l'amour de Dieu, ayez pitié de moi. »
Mais en cet instant les chevaux piaffent, la voiture part.
" Ma chère Charlotte, dit la mère, vois combien tu avais tort de te plaindre. Cette mendiante meurt de faim et de froid; elle n'a pas de mère qui l'attende à la maison pour l'aimer et prendre soin d'elle. Toi, tu as un foyer, une famille, tu ne manques d'aucune des choses nécessaires: qu'as-tu fait pour mériter d'être traitée autrement que cette malheureuse enfant? Un carrosse, une belle toilette, ce n'est pas cela qui fait le vrai bonheur. Ce que tu dois désirer par-dessus tout, c'est d'être bonne: remets tout le reste entre les mains de la Providence."
J. GIRARDIN
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