LES FLEURS
Des avalanches d'or du vieil azur, au jour
Premier et de la neige étemelle des astres
Jadis tu détachas les grands calices pour
La terre jeune encore et vierge de désastres,
Le glaïeul fauve, avec les cygnes au col fin,
Et ce divin laurier des âmes exilées
Vermeil comme le pur orteil du séraphin
Que rougit la pudeur des aurores foulées,
L'hyacinthe, le myrte à l'adorable éclair
Et, pareille à la chair de la femme, la rosé
Cruelle, Hérodiade en fleur du jardin clair,
Celle qu'un sang farouche et radieux arrose !
Et tu fis la blancheur sanglotante des lys
Qui roulant sur des mers de soupirs qu'elle effleure
À travers l'encens bleu des horizons pâlis
Monte rêveusement vers la lune qui pleure !
Hosannah sur le cistre et dans les encensoirs,
Notre-Dame, hosannah du jardin de nos limbes !
Et finisse l'écho par les célestes soirs,
Extase des regards, scintillement des nimbes !
0 Mère quj créas en ton sein juste et fort,
Calices balançant la future fiole,
De grandes fleurs avec la balsamique Mort
Pour le poète las que la vie étiole.
Stéphane Mallarmé (1842- 1888 )
[ professeur d'anglais ,créateur d'un éphémère journal de mode devient le chef de file du symbolisme et est élu "Prince des poètes" à la suite de Verlaine ]
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